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(collège) La Laïcité va-t-elle de soi ?

Je vous l’avais annoncé vendredi 16 octobre dans l’après-midi, je souhaitais faire un bilan de la première période post-confinement. Et puis, il y a eu ça. Il n’y a pas de mots pour décrire ce que je ressens actuellement, seulement des maux indicibles. Tristesse, désarroi, hébétude aussi et une véritable inquiétude. Oui, c’est vrai, il y aura un avant 16 octobre et un après.

J’ai longtemps échangé avec une de mes amies ce matin au téléphone. Elle est aussi professeure de Lettres mais, à la différence de moi, elle a enseigné dans de nombreux établissements de tous horizons confondus. La question qui est ressortie de notre conversation est la suivante : Pourquoi, actuellement, en France, un enseignant par peur d’offusquer, se sent dans l’obligation de proposer à ses élèves de sortir ?

Nous n’avons pas de réponse à cette question. Juste un constat : Nous ne sommes pas assez formés, on ne nous donne pas les outils pour avancer dans cette société en constante évolution.

Pourquoi, quand je travaille sur L’Ancien Testament avec mes 6èmes, je ressens le besoin de rassurer tout le monde en disant que chacun peut croire comme bon lui semble ? Pourquoi je ressens, au fond, cette inquiétude d’un parent qui me reprochera ce point du programme ? Pourquoi, lorsque je fais lire Sacrées Sorcières de Roald Dahl, je crains maintenant certains parents qui m’ont reproché de faire lire un roman sataniste deux ans auparavant ?

Alors oui, l’école est laïque comme toutes les institutions de la République et c’est très bien. Mais la question qui est soulevée est : cette laïcité va-t-elle de soi actuellement à l’école ? Personnellement, je trouve que ce n’est pas le cas. Pourtant, vous le savez, je suis dans un collège bien tranquille du Sud Seine et Marne.

La Laïcité à l’école ne concerne que l’école. Nous ne savons pas ce qu’il se passe chez chacun de nos élèves et le discours qui y est tenu. C’est peut-être (et sans doute d’ailleurs) mieux ainsi. Mais quand ces deux discours sont dissonants, pour moi, la laïcité ne va plus de soi. Parce que, si la grande majorité des parents a une certaine ouverture d’esprit, ce n’est pas le cas pour une petite minorité. Nos élèves de collège sont en formation. Ils apprennent à devenir citoyen, ils apprennent à penser par eux-mêmes grâce à leurs expériences personnelles, grâce à tout le bagage que l’école peut leur proposer aussi. Les propos qu’ils nous tiennent sont bien souvent tirés des stéréotypes et des idées véhiculées au sein même de la famille.

Réfléchissez quelques secondes, je suis sûre que, vous-mêmes, vous trouverez des idées préconçues que vos parents véhiculaient au sein de votre foyer quand vous étiez enfant. A cet âge-là, on n’a pas toujours le recul. Et c’est normal d’ailleurs. Nos adolescents se forment, ils grandissent, ils s’épanouissent. Ce n’est pas pour rien que notre métier est de planter une petite graine, d’espérer qu’elle germe, grandisse et devienne une belle fleur qui se tiendra droite et sera fière de l’être. Je reviens à mon propos : souvent, en classe, les remarques de certains élèves, les plus véhémentes comme les plus calmes, viennent de ce que les enfants entendent chez eux.

C’est bel et bien dans ce cas que la laïcité a du mal à aller de soi. Parce que nos élèves arrivent en classe avec ces idées en tête et que, parfois, oui, il faut l’avouer, il n’est pas facile de faire évoluer l’opinion d’un adolescent. Et sans pour autant la faire évoluer, tout du moins lui faire comprendre qu’il doit accueillir l’opinion de l’autre et l’accepter. Parce que c’est ça aussi la liberté d’expression.

Ce qu’il s’est passé vendredi est juste horrible. En attaquant un enseignant, c’est la République et ses valeurs qui sont attaquées. Nous ne devons pas courber l’échine devant l’obscurantisme, c’est vrai. Nous devons rester forts. Nous devons rester soudés. C’est ce que nous ferons. C’est ce que nous avons toujours fait.

Mais demain, pas aujourd’hui car l’heure est au recueillement, oui, demain, il faudra se demander ce que nous devons faire, comment nous pouvons aider les enseignants pour qu’ils puissent diffuser les valeurs de la République sans craindre les menaces et la violence. Comment faire pour que la laïcité semble enfin aller de soi.

Je vous laisse sur ces mots. Prenez soin de vous, bonnes vacances. On se retrouve prochainement pour le bilan de la période. Actuellement, le coeur n’y est pas.

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